L’Accroche-Choeur a chanté une messe de l’Argentin Martín Palmeri. Fervent !
C’est une musique très inhabituelle pour les oreilles formées au classique qu’a magnifiquement chantée L’Accroche-Choeur le week-end dernier. L’aula de l’université accueillait, pour le deuxième concert anniversaire de l’ensemble vocal, une messe de tango du compositeur argentin Martin Palmeri, la « Misa a Buenos Aires ». Oui, une messe en latin, construite sur le rythme syncopé et chaloupé caractéristique du tango et pour son instrument fétiche, le magnétique bandonéon.
Il est tout à fait possible de marier le tango au contrepoint, comme dans la fugue du « kyrie ». Même inhabituel, cet assemblage n’en est pas moins fervent et touchant, et un souffle nouveau dépoussière la liturgie. Quelle découverte intéressante pour le néophyte ! Cette messe s’inscrit dans la veine du « tango nuevo », ou tango renouvelé issu de l’héritage d’Astor Piazzolla. Un orchestre à cordes y est volontiers utilisé pour étoffer des harmonies plus « classiques ». Les passages âpres, rugueux ou lumineux jouent de contrastes. Une immense tendresse suit les moments martelés. Le lyrisme se mélange aux émotions les plus tragiques.
Du côté de l’interprétation, le chef Jean-Claude Fasel prend le soin de bien charpenter la partition, d’être très clair dans la structure, de penser à l’ensemble autant qu’aux détails. La fusion, la précision et le raffinement des voix sont exemplaires. Avec cinquante chanteurs, c’est un défi ! Chaque choriste fait preuve de grandes qualités individuelles. Jean-Claude Fasel n’hésite pas non plus à tenir des piani, intenses, portés, comme dans l’ « agnus dei » : sublime ! La soliste Francisca Osorion Doren illumine l’oeuvre d’une grâce rayonnante et émouvante. Le bandonéon envoûtant de Michael Zismann et les graves du piano sont troublants.
En première partie, l’ensemble 676 Nuevo Tango, qui réunit le virtuose du bandonéon Michael Zismann, le raffiné violoniste Daniel Zismann, le pianiste Richard Pizzorno, le guitariste Theodoros Kapilidis et le contrebassiste Winfried Holzenkamp, a interprété un choix de tangos, qui allient la force de la tradition aux accents harmoniques plus contemporains. L’orchestre à cordes, la guitare et le bandonéon ont également donné un intimiste concerto de Piazzolla.
Elisabeth Haas