Les quatre saisons de Thierry Lang

équilibre • A l’initiative de Jean-Claude Fasel, le pianiste a composé une œuvre en quatre tableaux pour chœur, orchestre de chambre et solistes de jazz. Création ce week-end.

C’est un projet musical d’une ampleur inhabituelle que l’on pourra découvrir vendredi et samedi sur la scène d’Equilibre à Fribourg. A l’enseigne de «Colors of time», Thierry Lang et Jean-Claude Fasel ont réuni une soixantaine de musiciens et de choristes pour une création aussi ambitieuse qu’originale qui réunit dans un même souffle lyrique les univers du jazz et de la musique classique autour de compositions originales du pianiste fribourgeois.

Une idée qui aura mis une dizaine d’années pour se concrétiser et dont l’initiative revient à Jean-Claude Fasel, directeur de l’Accroche-Chœur, un ensemble vocal fribourgeois dont la réputation a depuis longtemps franchi les frontières du canton de Fribourg. «J’avais envie de sortir des sentiers battus, confie le chef de chœur, d’aller voir ce qui se passe à côté, me nourrir d’autres choses, me remettre en question. C’est une chose dont nous avons l’habitude à l’Accroche-Chœur, avec un répertoire qui va de la Renaissance au XXe siècle, mais là nous faisons encore quelques pas plus avant.»

La mélodie avant tout

Pour Thierry Lang, l’idée de composer une œuvre qui réunisse ses deux passions, le jazz et le classique, est un rêve qui se réalise: «Ce qui les relie, c’est la mélodie, explique le pianiste romontois. J’ai donc entrepris d’écrire une douzaine de mélodies originales qui forment la trame d’une œuvre en quatre triptyques, construits comme des petits concertos. Chaque mouvement fait référence à un moment de la vie. Cela commence par l’enfance, période bénie pour moi, et c’est l’occasion de me remémorer mes jeunes années romontoises. Le deuxième mouvement renvoie à l’adolescence, avec son côté romantique et fou, alors que le troisième parle du moment où l’on récolte les fruits que l’on a semés. Enfin, le quatrième mouvement, empreint de souvenirs et de nostalgie, nous emmène doucement sur le chemin de la vieillesse. En fait, s’exclame en riant le pianiste, cela aurait pu tout aussi bien pu s’appeler «Les Quatre Saisons», mais le titre était déjà pris!»

Des paroles en anglais

Une fois la musique écrite, encore fallait-il y mettre des paroles sur mesure. Pour cela, Thierry Lang s’est adressé à David Linx, virtuose vocaliste belge, avec lequel il entretient une collaboration depuis plusieurs années. Musicien et chanteur polyvalent à l’aise dans tous les registres, de la variété à la musique contemporaine, en passant bien sûr par le jazz, dont il est l’un des interprètes européens les plus admirés, David Linx est également un «lyricist» accompli, émule du grand poète afro-américain James Baldwin. «Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, explique Thierry Lang, et il a su trouver les mots justes, en anglais, pour exprimer les émotions de ma musique.» Une émotion qui sera encore renforcée par la présence des cordes de l’Orchestre de chambre de Fribourg et la trompette chaleureuse de Mathieu Michel.

Et pour donner à cet imposant ensemble une indispensable assise rythmique, Thierry Lang a également embauché son contrebassiste attitré, Heiri Känzig, ainsi que le batteur parisien André Ceccarelli. Et c’est l’un des meilleurs arrangeurs européens, le Belge Michel Herr, qui a été chargé de mettre en forme les orchestrations.

Un défi et un long travail

Pour l’Accroche-Chœur, cette incursion dans le monde du jazz a représenté un sacré défi: «C’est une année et demie de mise en place, affirme Jean-Claude Fasel. Nous avons abordé cette œuvre comme nous l’aurions fait pour une composition classique, avec la difficulté supplémentaire de devoir nous familiariser avec un langage inhabituel pour nous, avec des harmonies beaucoup plus complexes que dans la musique chorale classique.» Pour les deux hommes, une chose est sûre: le principal challenge, que ce soit dans la composition ou l’interprétation, c’est de trouver un équilibre entre le chœur, l’orchestre et les solistes. Raison pour laquelle ils ont décidé de sonoriser tous les musiciens aussi bien que les chanteurs, une pratique inhabituelle dans la musique classique mais qui permettra à «Colors of time» d’être représenté dans des lieux à l’acoustique plus difficile. Et ils ont également soigné les éclairages, réglés par un spécialiste.

C’est donc un spectacle total que l’on pourra découvrir à deux reprises ce week-end (attention les places se font rares!), et dont l’enregistrement fera l’objet d’un disque à paraître l’année prochaine. Le vernissage est d’ailleurs déjà programmé: ce sera le 23 février 2013 au Bicubic de Romont. Une affaire à suivre, donc! I

Eric steiner

La Liberté, 10 mai 2012