Une belle lecture chambriste du chef-d’oeuvre «Deutsches Requiem» par l’Accroche-Choeur

L’Accroche-Choeur a interprété dimanche à l’abbatiale de Payerne la messe des morts de Brahms accompagnée par deux pianos.

Une belle intériorité, esthète et sous-tendue de ferveur, caractérise la lecture chambriste du «Requiem allemand» qu’a proposée, dimanche à Payerne, Jean-Claude Fasel à la tête de l’Accroche-Choeur Fribourg.

L’acoustique généreuse de l’abbatiale payernoise offre un supplément d’âme à des épisodes extatiques, où transparaît le tempérament contemplatif du chef. Un musicien accompli qui tutoie au demeurant avec un grand naturel la solide architecture brahmsienne. Aux détours de larges envols mélodiques, cette étonnante version pour deux pianos, due à la plume même du compositeur, dégage par instants une transparence de motet a cappella. Une transparence que souligne la pureté des voix, plus à l’aise dans les arcs-boutants lyriques que dans les amples progressions dramatiques qui rythment le chef-d’oeuvre spirituel post-romantique.

Le moelleux de la vocalisation germanique, la pâte sonore que malaxe, à dessein, l’écriture de Brahms cèdent ici du terrain, substitués par un texte superbement intelligible et un contrepoint soigneusement ciselé. La grandiose dramaturgie de cette fresque post-romantique s’estompe au travers d’une sorte de détachement expressif, plus apparenté à l’impressionnisme debussyste ou fauréen. Cette expressivité contenue s’échauffe cependant grâce à l’accompagnement exceptionnellement engagé des pianistes, Geneviève Joerin et Claudine Siffert.

Lors d’une trop brève apparition, la magnifique soprano valaisanne Brigitte Fournier plane tendrement dans une invocation ailée, qui vacille légèrement sur le fil d’une intonation tendue. Le timbre âpre du baryton Lisandro Abadie dialogue avec le choeur dans une prière déchirante. Et si la voix manque un peu de fondement, elle éclaire cependant avec emphase des évocations douloureusement existentielles.

Au final, l’ensemble vocal a livré une belle version du chef-d’oeuvre brahmsien, surprenante d’apesanteur, mais véritablement émouvante.

MARIE ALIX PLEINES