Les Laudi incitent à la louange

CRITIQUE · La cantate de Suter a transporté son public, samedi à l’église du Collège Saint-Michel.

Les Laudi di San Francesco d’Assisi d’Hermann Suter requièrent certes une foule impressionnante de participants -environ 300 personnes entre les choeurs et l’orchestre- mais aussi une belle santé technique pour celui qui coordonne tant de sonorités contrastées.

Du dépouillement modal d’un cantus grégorien a cappella aux paroxysmes symphoniques d’un oratorio post-romantique, la partition du compositeur bâlois promène son inspiration à travers six ou sept siècles de musique occidentale. Ses grandioses triples fugues exigent d’ailleurs le maximum de tous les registres chorals. Un maximum qui taxait un peu la rondeur des timbres du choeur symphonique neuchâtelois Cantabile et de l’Accroche Choeur de Fribourg, samedi soir, mais qui forçait également le respect par une présence expressive de tous les instants.

Portées par des solistes remarquables, le soprano cristallin d’Audrey Michael rivalisant de transparence avec la diction ciselée de la basse Michel Brodard, et l’alto moelleux de Graziella Valceva Fierro avec l’impact dramatique et chaleureux du ténor Angel Pazos, les amples lignes mélodiques et méditatives transmettent bien la ferveur du mystique toscan. Les voix limpides des enfants de la chorale Numa-Droz, des écoles de La Chaux-de-Fonds s’élèvent. Les cuivres ronflent, les tambours roulent, et les cordes d’un Orchestre de Chambre de Neuchâtel tanguent, alors que les somptueux registres des grandes orgues de Saint-Michel donnent leur pleine mesure sous les doigts experts de Robert Märki.

Les couleurs orchestrales concilient le mordoré automnal d’un poème symphonique de Strauss, la «divine mélancolie» d’un Fauré, les reliefs escarpés des oratorios bibliques de Händel, ou de Mendelssohn, et les fantasmagories d’un Berlioz, le tout maintenu par un carcan beethovenien. Un soupçon de démesure peut-être dans cette écriture à la fois emphatique et contemplative. Mais une démesure «honnête» au service des transports de l’âme. Et qui parvient à plusieurs reprises à enthousiasmer un très nombreux public.

Quant à Jean-Claude Fasel, très à l’aise au centre des éléments symphoniques déchaînés, il suggère et obtient des découpes puissantes, sculptant les veines sonores avec la souplesse d’un grand maître d’oeuvre, ménageant des plages de transcendance avec efficacité, et humilité. Un vrai talent de chef, à suivre.

MARIE ALIX PLEINES