L’ACCROCHE-CHOEUR

Un numéro de funambule

Une remarquable leçon d’art choral : L’Accroche-Choeur présentait samedi à Fribourg devant un public fourni le résultat d’une année de travail. Son entrée en matière s’est faite toute d’intériorité et de recueillement avec le magnifique Alleluia de Randall Thompson, livré dans la pénombre. Il s’en dégage des progressions fort bien conduites par Jean-Claude Fasel et des sonorités quasi orchestrales rappelant parfois un Samuel Barber. Magique. L’Hymn to St. Cecilia de Benjamin Britten relève, lui, d’un tout autre calibre. Malgré un diapason parfois en souffrance et quelques imprécisions, L’Accroche-Choeur livre une interprétation tout à fait convaincante de cette oeuvre extrêmement difficile, aux longs passages contrapuntiques. René Oberson signe ave Amour un ouvrage de bonne facture, basé sur un texte hélas un peu faible. Cette oeuvre présentait de nombreux intérêts, notamment sur le plan des sonorités obtenues par superpositions de demi-tons ou de quartes. L’utilisation de thèmes tels que Il est né le divin enfant ou l’introït de Noël Puer natus est nobis, superposés à de longues tenues ou à des clusters s’est révélée d’une grande originalité. Le magnifique Song for Athene, que John Tavener écrivit en mémoire d’une de ses amies décédée tragiquement, alterne les modes mineur et majeur, la tristesse et l’espoir. On croit entendre le choeur des anges. Sans conteste, l’oeuvre la plus émouvante du concert, servie par les chanteurs avec une très grande maîtrise. Après le très beau Psalm 67 de Charles Ives, exploitant simultanément plusieurs tonalité dans des teintes douces, A Hymn to the Virgin montra de très belles voix solistes, dans un oeuvre naïve composée à l’âge de 17 ans par Benjamin Britten.

C’est un Dominique Gesseney-Rappo très inspiré que l’on découvre dans Ecce tu pulchra es. Un langage très touffu et riche qui ne fait aucune concession entre le plain-chant et l’expression contemporaine. On peut hélas regretter que des textes aussi beaux que le Cantique des Cantiques ou le Paradis Perdu de Milton n’aient pas été mieux mis en valeur dans cette interprétation. On se consolera tout de même en savourant la beauté intrinsèque de ses harmonies mouvantes. En présence de L’Accroche-Choeur, emmené de main de maître par un Jean-Claude Fasel très inspiré, on a peine à croire qu’un choeur amateur puisse atteindre un tel niveau de musicalité, de pureté harmonique et d’homogénéité. Se lancer sans filet dans un répertoire aussi exigeant relevait de la bravade autant que du numéro de funambule. Assumer jusqu’au bout des choix artistiques aussi pointus mérite tous les éloges.

Stéphane Mooser