L’Accroche-Choeur s’affirme sous l’égide de saint Martin

L’Accroche-Choeur, un quatuor de solistes et l’organiste de la cathédrale unissaient, samedi, leurs dons musicaux en faveur d’une oeuvre caritative.

Enveloppée dans un brouillard froid qui flottait sur la ville, la cathédrale de Saint-Nicolas accueillait, samedi soir, un concert de bienfaisance organisé par l’Association pour la lutte contre la tuberculose et le cancer. Une assemblée nombreuse s’y était pressée, plaçant leur soirée sous l’égide de saint Martin, patron du symbole du partage.

MANI RE CONVAINCANTE

Musiques d’orgue d’abord. François Seydoux, titulaire de l’instrument de la cathédrale, posait sur le seuil du concert une Cantilène en fa mineur de Joseph Rheinberger. Une invitation cordiale, aux teintes fauréennes, à l’écoute musicale. En intermède, François Seydoux proposa Trois préludes de choral de Sigfrid Karg-Elert. Il mit en évidence la qualité d’écriture de ce musicien allemand dont la richesse et la variété des couleurs harmoniques font alterner des climats très différents. Par un jeu à la fois souple et précis, l’organiste a rendu toute la force expressive de ces courtes pièces. Notamment les accents pressants et angoissés du dernier prélude, Dir, dir, Jehova.

Des fameux Marienlieder de Johannes Brahms, le quatuor de solistes donna une version relativement intimiste. Les voix de Monique Volery-Deschenaux (soprano), Brigitte Ravenel (alto), Alain Bertschy (ténor) et de Nicolas Pernet (basse) se mariaient de manière convaincante, approche sensible de ces lieder. La manière est mesurée, presque contenue : elle aurait pu laisser fleurir certains accents plus jubilatoires. Si ce n’est quelques problèmes d’intonations – dans Der Jäger notamment – l’interprétation tenait la route, magnifique prière mariale aux couleurs populaires.

Avant la Messe en sol mineur de Vaughan-Williams, clou de la soirée, l’Accroche-Choeur interpréta quatre motets, tous écrits durant la deuxième partie du XIXe siècle. Et force est de reconnaître que l’ensemble resta, durant ce  » tour de chauffe « , en deçà de ses possibilités. Si, autant pour l’Abendlied de Rheinberger que le Libera me de Bruckner, les sonorités sont belles, les harmonies transparentes, l’architecture bien dessinée, il manquait ce souffle qui titille l’âme et fait frissonner les sens. Même l’Ave Maria de Bruckner demeura prisonnier de cette approche mécanique. Il fallut le Psaume 67 de Charles Ives pour que le choeur retrouve la générosité de son expression.

MOMENTS D’EMOTION

Jean-Claude Fasel, directeur de l’ensemble, avait placé en clé de voûte de son programme la Messe en sol mineur pour soli et double choeur de Ralph Vaughan-Williams. Avec une maîtrise parfaite, il fit alterner le quatuor solistique et les deux choeurs qui se partageaient cette belle partition. Beau timbre d’ensemble, une intensité jusque dans les plus infimes nuances, une attention continue à la ligne, une justesse rarement prise en défaut: l’interprétation de Jean-Claude Fasel a convaincu. Cette musique qui trouve son inspiration dans le plain-chant – certaines parties ressemblaient étrangement à la belle Messe brève de Fauré – alterne les climats, passe de la supplique à la prière, de la tendresse au cri plus angoissé. Et l’interprétation de cette messe, encore très classique dans sa facture, fut habitée de moments de réelle émotion. En cultivant la simplicité de cette composition, l’ensemble est parvenu à tirer le sens profond de son message.

Patrice Borcard